Flower Power

« Si Dieu n’avait fait la femme, il n’aurait pas fait la fleur » (Victor Hugo).

Ces photos parlent des femmes et des fleurs, de la beauté des détails, du rapport entre les détails et le tout, du lien entre les femmes et les fleurs… Cette recherche nous emmène sur les chemins de la beauté, de la fragilité, de la sensualité, de l’érotisme mais aussi de l’innocence. Peut-être est-ce l’amour de ma mère pour les fleurs qui a suscité cette quête ?
Plus concrètement: j'ai photographié des détails de l'anatomie féminine, toujours entourés, enlacés, superposés à des fleurs souvent modestes, fragiles, trouvées au bord des chemins, dans les prés, dans les champs. Détails parce que je pense qu'il y a toujours de la beauté à découvrir en n'importe quelle personne, même si celle-ci ne correspond pas aux canons esthétiques imposés par l'époque. Autrement dit la beauté est dans le détail et le détail est révélateur du tout.
De même qu’il y a tout l’univers dans une cellule, on découvre tout l’univers dans une seule fleur, ou dans un œil, une oreille ou la bouche d’une femme !

Eric Meylan

« La fleur est en même temps sein, bouche et sexe, femme au complet, sexe-trinité dans l’unité »
(Malcolm de Chazal)
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Le travail d’Eric Meylan « Flower Power » a inspiré les textes qui vont suivre.

Tout d’abord une magnifique description des minutieux préparatifs aboutissant aux photographies de l’exposition. C’est un texte de Vivienne Baillie Gerritsen, auteure (entre autres) des livres « Heureusement qu’il reste les goélands », « Zooïne », « Le Poète » aux éditions Rouge écarlate :


D'abord les cueillir. Les pétales. Les repérer au bord de la route. Au milieu d'un champ. Le long d'une rivière. Prendre le temps de dépecer ce que la nature a si subtilement créé. Ne pas déchirer. Respecter. Juste dénaturer. Rendre à la fleur, la somme de ses détails. Ses courbes. Ses couleurs. Ses parfums. En extraire, ce qui reproduit la vie. Ce qui séduit l'insecte qui va s'y attarder. Se couvrir de pollen. Et perpétuer, bien malgré lui, la fleur qu'il vient de quitter. Assembler les pétales en piles colorées. Bleues. Rouges. Jaunes. Oranges. Mauves. Roses. Blanches. Violettes.

Déshabiller. Son corps. Puis, elle aussi, dénaturer. Prendre ce qui émeut, ce qui séduit, ce qui sent. Là où se pose un baiser, où l'enfant se nourrit, par où la vie sait couler. Cueillir ses yeux. Son sein. Ses lèvres. Emprunter son nombril. Son pubis. Son oreille. Dissocier une main. Sa paume. Les doigts. Un pied. Saisir ses cheveux. Isoler ses fesses. Si féminines. Si bombées. Pigments blancs. Pigments mats. Pigments dorés. Iris vert. Iris bleu. Iris chocolat. Les sens singularisés. Le propre de l'humain, distingué. Le regard, le toucher, l'odeur, la parole, durant quelques instants, apprivoisés.

Enfin, choisir la couleur. Choisir la fleur. Choisir l'odeur. Et poser. Délicatement. Couvrir. Étaler. Suivre les dépressions. Épouser les courbes. Remplir les creux. Apprivoiser les fossés. Tracer les lèvres. Dessiner les yeux. Du bout des doigts, esquisser les mamelons. Croquer le mont. Extraire l'essence, de ce corps de femme. Surtout, ne pas rire. Ne pas sourire. Ne pas parler. De peur de voir les tableaux se défaire, les pétales dégringoler. Patience. Temps. Pour créer. Une œuvre hybride. Entre plante et être humain. Chair de pétale, peau de femme. Couleurs. Séduction. Vie. Gaieté. La femme naissant d'un parterre de fleurs. Comme la montagne émerge des entrailles de la terre. Ou la fleur ôtée qui découvre la femme. Comme le voile retiré laisse passer la lumière.

(Vivienne Baillie Gerritsen)


Et un poème, signé Fabienne Péry, artiste suisse romande :

DES FILLES, DES FLEURS

Des filles, des fleurs
Pupilles et couleurs…

Cils, pistils, nombrils, persil
Aréoles et corolles
Toisons et liserons

Bouclettes et pâquerettes
Rétines et fleurettes
Oreilles et salsepareille
Orteils et reines des prés
Bouches de reines, petit pourpier
Petites mains et grands plantains

Pour Iris, l’orchis
Pour Véronique, l’hépatique
Pour Jasmine, la cardamine
Pour Rose, le cosmos
Pour Hortense, la garance
Pour Violette, l’esparcette

Un, deux, trois, lilas
Quatre, cinq, six, mélisse
Sept, huit, neuf, lupin neuf
Dix, onze, douze, toute la pelouse.

(Fabienne Péry)